kAmiKazE zEr0

28 mai 2003

"Ce qui ne tue pas..."

Un nouvel extrait de "Mes pensées"

" Je le sentais. Ce n'est pas comme si je n'étais pas au courant de la situation. Dans le milieu tout le monde en parlait, ça a mis une grosse claque dans nos bonnes grosses gueules. Gleck quittait l'Organisation. A mémoire d'homme, on n'a jamais vu un Parrain quitter ses fonctions. Quand un tueur voulait partir, on se chargeait de lui préparer un voyage... en aller simple s'il vous plait. Le genre de voyage qui vous remplit la tête de souvenirs aquatiques ou vous donne des idées de construction en béton armé.

J'appris la nouvelle alors que je finissais mon travail. Aujourd'hui, c'était une journée plutôt calme. Peu de paquets à distribuer. Pas étonnant quand j'y repense. Les gens se méfient de plus en plus aux attentats par colis piégés. La semaine dernière, les pompiers de la Métropole et des volontaires ont porté secours dans une école primaire. Porté secours! Tu parles. C'était le puzzle humain le plus grand que l'on puisse imaginé, des bras et des jambes, des mains et des pieds, des têtes et des bustes d'enfants, déchiquettés sous la violence de l'explosion. Le tout monté d'une odeur de barbecue. J'en ai vu des choses mais ça c'était trop. Attentat gratuit contre une école. Que des innocents. 254 victimes. Une grosse majorité d'enfants. Acte gratuit, pas de revendication. Les têtes pensantes de la Famille avait une idée des auteurs. Ces jeunes qui se prennent pour les nouveaux mafieux, gosses de riches, cocaïnés jusqu'à l'os. Ces enfoirés se prennaient pour des dieux avec leur flingue dans les mains. Ils veulent montrer à tout le monde que ce sont eux les vrais, qu'ils n'ont peur de rien, qu'ils sont fous et n'ont rien à perdre. Les grands frères ne voulaient pas qu'on s'en occupe. Elles disaient de laisser faire la police son travail, cette affaire l'occupera. Histoire d'être plus libre pour nos "affaires". Peu importe ce qu'ils racontaient, je les ferai payer. Pour chaque vie d'enfant enlevée. Je suis ridicule. Avec ma conscience de faiseur de bonne action. Alors que moi même je tue. Je me hais.

Je m'apprettais à partir. Sac sur le dos et ma veste dans les mains. Mon téléphone sonna. C'était le Diseur, ce mec qui savait tout sur tout. Je l'avais déjà rencontré deux ou trois fois auparavant. Je ne l'aime pas. Je ne sais pas ce qu'il manigance. Je ne l'aime pas. Il commença par "J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle". Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que l'une des deux concernait Gleck. "Par laquelle je commence?". "Peu importe connard", pensais-je. Je dis seulement "Je vous écoute". "La bonne est que Gleck part de son Organisation. Cette nouvelle situation laisse le champ libre à la Famille sur les nouvelles affaires..." "Gleck part!" me répétai-je. Les mots du Diseur n'avaient plus d'importance. Je n'entendis même pas la mauvaise nouvelle. Je répondis simplement que je devais faire quelque chose d'important mais que je le rappelais dans l'heure qui suivait. Je raccrochai.

"Gleck part". La décision était prise. Qu'était-il passé par sa tête? Maintenant il s'était mis à dos toute son Organisation. Les autres clans devaient aussi le savoir. Il était devenu la cible rêvée. Celui qui le tuerait se ferait un nom en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Cette nouvelle me mit hors de moi. Le Diseur et ses bonnes nouvelles! Cet oiseau de mauvais augure. Un jour, je le tuerai lui aussi. Sous ses airs d'homme bien serviable. Il a déjà essayé de prendre la place du Boss. Normalement il serait mort à l'heure qu'il est. Mais il était malin. Je ne pensais pas que ce soit anodin le fait qu'il m'ait appelé pour me dire que Gleck quittait l'Organisation. Il savait quelque chose. Il savait que je connaissais personnellement Gleck. Il devait penser qu'il me tenait. Je décidai de passer chez lui dans la semaine avec Yan histoire de lui raconter une berceuse.

"Gleck, tu pars en sucette garçon". Franchement, je me voyais mal arrivé chez lui et lui lancer ça au visage. Après le boulot, je repris ma deuxième casquette. Jin m'attendait à la sortie du vieux hangar dans lequel je travaillais. Jin était un jeune homme, élancé et élégant. Il avait à peine 22 ans mais ses traits trahissaient la dureté des événements dont il a été le témoin ou l'acteur. Sous ses airs de golden boy, il était aussi un tueur. Froid et efficace. On devait livrer une berceuse. Une expression de la famille. "Bonne nuit mon petit, j'éteins la lumière et je presse la gachette". Il me raconta en oubliant les détails que notre "client" était un Américain qui s'était installé dans la Métropole. Il se prenait pour Al Pacino où je ne sais quel enfoiré de ces films tellement loin de notre réalité. Il avait menacé ouvertement notre Famille. Deux heures plus tard, la berceuse était livrée. Un gros berceau pour un Américain et ses sept gardes du corps. Mission rapide, simple et propre. Jin n'avait pas une seule tache de sang sur son ensemble trois pièces gris clair. La classe. Mon sweat était taché de sang... pas mon sang. "T'es vraiment crade!" avait lancé Jin, sourire en coin. Dans sa Honda Integra Type R, il y avait de quoi me changer. Chose que je fis presque de suite. Jin me proposa ensuite de manger ensemble. Je refusai... j'avais à faire.

J'arrivai chez Gleck à 23h. Il y avait de la lumière au rez de chaussée et au troisième étage. Je sonnai. Des vois se firent entendre de l'autre côté de la porte. Puis, la porte s'ouvrit. Il se tenait debout impassible et muet. Sans mot dire, il me fit entrer. On traversa rapidement le couloir menant au grand salon. Il n'y avait plus de garde du corps dans la résidence. C'était de la folie. Dans le salon se trouvait Emoa. Emoa était la conseillère de Gleck. J'ai toujours pensé qu'elle était plus que ça. Tueuse, transporteuse, conseillère, que sais-je? A mon arrivée, elle se leva, me salua et s'excusa. "J'allais partir. Au plaisir". Son ton avait quelque chose de singulier. Comme s'il disait "rêve toujours mon bonhomme, ce soir c'est la dernière que tu me vois". Emoa sortit de la pièce après avoir embrassé longuement Gleck. Enfin, elle sortit de la résidence.

"C'est quoi cette histoire?" Gleck m'expliqua qu'il quittait le milieu. On ne quitte jamais le milieu, il le savait très bien. Surtout lorsqu'on est Parrain. Il était lassé. Fatigué. Quand il voyait ces jeunes qui voulaient être à sa place, aujourd'hui, ils pouvaient la prendre cette place si prisée. Elle était à eux. Mais c'était trop facile. Il savait qu'il était condamné. Quoi que j'ai pu dire, il avait déjà pris sa décision. All was done.

Je décidai de le laisser. Avant d'ouvrir la porte, il me dit : "Je quitte l'Organisation. Mais j'en rejoins une autre." La surprise de cette nouvelle me coupa la respiration. J'écoutais attentivement. " Je ne serai plus Parrain. Je veux être sur le terrain, être un homme de l'ombre", poursuivit-il. "Quand tu es Parrain, tu es fort et faible, tu as le pouvoir mais tu ne contrôles pas tout. Tu es entouré de traitres et d'hommes de confiance. Personne ne le sait encore. Je rejoins le Clan des ShoShads. A partir de cette semaine." La phrase retentit dans mes oreilles comme une mauvaise farce.

Pourquoi les ShoShads? Gleck savait que je les destetais. Autant que le Diseur. Je rêvais de les tuer de mes propres mains.
Voilà c'est fait. Gleck ne faisait plus parti de mes amis. Pire. Il faisait parti des ennemis de la Famille. De mes ennemis. Pourquoi ce choix? Il savait que j'enrageais rien qu'en entendant le nom de ce Clan. Je les tuerai tous.

A ce moment précis, je savais que Gleck était dans la course et que nous étions tous les deux des cibles.



... rend plus fort.

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